« Ce pays qui aurait pu être le mien » - Entretien avec Janine Altounian par Marie Rose Moro et Marion Géry

Cet entretien paru dans la revue L'autre, Cliniques, Cultures et Sociétés 2017,18(3) aux Éditions La pensée sauvage, a été mené suite au colloque de la revue "Interprétariat en santé : traduire et passer les frontières" qui s'est tenu le 8 et 9 décembre 2016.

« Ce pays qui aurait pu être le mien »
Entretien avec Janine Altounian
 et 
Publié dans : L’autre 2017, Vol. 18, n°3

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Janine Altounian essayiste, a été, de 1970 à 2012 , co-traductrice des Œuvres Complètes de Freud aux PUF sous la direction de Jean Laplanche et responsable de l’harmonisation dans l’équipe éditoriale. Née à Paris de parents arméniens rescapés du génocide de 1915, elle travaille sur la « traduction » de ce qui se transmet d’un trauma collectif aux héritiers des survivants. Elle est un des membres fondateurs d’AIRCRIGE.

L’autre : Bonjour, nous sommes à Bordeaux, le 9 décembre 2016, et avec l’aide de Marion Géry, de Sophie Maley, et de Yoram Mouchenik, Janine Altounian, nous allons vous interviewer. C’est un grand honneur pour la revue L’autre, Cliniques, Cultures et Sociétés, d’avoir ainsi l’occasion de retracer avec vous votre parcours intellectuel mais de parler aussi des choses qui vous animent et qui ont contribué à votre créativité.

Commençons si vous le voulez bien par votre enfance. Où s’est-elle située, et que reste-t-il comme éléments importants de celle-ci ?

J. A : Je suis née à Paris et mes parents, qui sont arrivés dans les années 20 en France, sont des survivants du génocide arménien. Quand je me suis mise à écrire sur la transmission – mon premier article date de 1975 – beaucoup de gens m’ont dit que j’étais revenue à mes origines. Pour ma part, je ne pense pas y être revenue car elles étaient toujours là, dans mon enfance, alors que j’évoluais au sein d’une famille arménienne traditionnelle avec un père tailleur et une mère qui, tout en exécutant les travaux ménagers, l’aidait aussi en faisant les finitions. Je vivais dans deux mondes : à la maison j’étais arménienne et je grandissais dans un monde qui dégageait de la chaleur ; au dehors, il y avait l’école où je respirais, où j’apprenais des choses avec mes amies et il où y avait une joie de vivre… Je ne peux pas dire pour autant que dans ma famille il n’y avait pas de joie de vivre, mais plutôt que, lorsque celle-ci apparaissait dans des festivités par exemple, enfant, je la vivais comme une joie de vivre référée à quelque chose qui avait été perdu.

Je ne peux pas dire pour autant que dans ma famille il n’y avait pas de joie de vivre, mais plutôt que, lorsque celle-ci apparaissait dans des festivités par exemple, enfant, je la vivais comme une joie de vivre référée à quelque chose qui avait été perdu

L’autre : Quelque chose de l’ordre de la nostalgie ?

J. A : Oui, ils célébraient quelque chose d’un monde perdu et cette joie de vivre ne me concernait pas. Mon enfance s’est passée dans un monde artisanal, les amis venaient les voir, la socialité et le travail n’étaient alors pas séparés, comme aussi en France je suppose dans ces mêmes années.

L’autre : C’était à Paris ?

J. A : Oui, dans le quartier du Sentier. Ce n’était pas un quartier où il y avait beaucoup d’Arméniens comme à Alfortville ou Issy les Moulineaux, ainsi, j’étais d’emblée plongée dans le monde extérieur d’ici, en France.

Mes petites amies étaient françaises, je n’ai jamais connu une vie communautaire, ce qui m’arrangeait bien car je n’aime pas du tout la vie communautaire.

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Découvrez un extrait vidéo de l’entretien 

Souvenirs d’une enfance parisienne, Janine Altounian se raconte. Elle évoque la douce chaleur du foyer franco-arménien de ses parents, une certaine nostalgie de la vie laissée en Arménie et surtout l’importance des langues qui lui ont ouvert une fenêtre sur le monde des autres et plus encore sur les mondes de l’autre. Découvrez un extrait de l’entretien qu’elle nous a accordé en décembre 2016 lors du 18ème Colloque de la revue à Bordeaux “L’interprétariat en santé“.

 


La revue L'autre - Cliniques, cultures et sociétés 2017,18(3).

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  • Maria Luisa Cattaneo, Karina Scorzelli, Le rôle de la médiatrice linguistique et culturelle dans le domaine des services sociaux et de santé : l’expérience de la Coopérative CRINALI de Milan

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• Informations

 

Débat: 
Ce pays qui aurait pu être le mien
Date: 
09/12/2016
Lieu: 
Paris
Langue: 
français
Durée vidéo: 
9 mn