L'Association Psychanalytique de France attribue à Janine Altounian le titre de Membre d'Honneur à l'occasion des 60 ans anniversaire de l'APF

Le 8 juin 2024, à l’occasion des 60 ans anniversaire de l'Association Psychanalytique de France, Janine Altounian a été élue Membre d’Honneur par le Conseil d’administration présidée par Dominique Suchet. « Cette qualité est attribuée par l’Association lorsqu’elle veut honorer particulièrement une personnalité du monde psychanalytique extérieure ou un membre de l’Association». Ce titre vient consacrer un travail de recherche de plus de 40 ans au service de la psychanalyse freudienne et de la transmission transgénérationnelle du Trauma.

Retrouver en images le discours de remerciement de Janine Altounian

L'enregistrement ayant été interrompu, retrouver la fin du discours au format texte.

Discours de Christophe DEJOURS

Réception de Janine Altounian au titre de Membre d’honneur de l’APF

I – L’œuvre de Janine Altounian

Janine Altounian est essayiste et traductrice. Son œuvre est considérable comme en témoignent la publication de 9 ouvrages et d’un nombre impressionnant d’articles dans différents domaines, de la psychanalyse jusqu’à l’anthropologie en passant par l’histoire.

D’origine arménienne, née à Paris, son œuvre est de part en part traversée par la question du génocide arménien de 1915 dont ses parents ont été rescapés, et de ses conséquences dans différents registres : historique, sociaux, politiques et surtout dans le registre psychique, où elle s’est particulièrement attachée à l’élaboration clinique et théorique de la transmission intergénérationnelle du traumatisme psychique provoqué par un génocide.

1 – Je citerai quelques titres de livres et d’articles qui seront plus éloquents que moi pour situer l’objet de sa recherche : 

- Une « Édition critique du journal de déportation de Vahram Altounian », son père.

- « Ouvrez-moi seulement les chemins d’Arménie ».

- « Un génocide aux déserts de l’inconscient »

- « La survivance – Traduire le trauma collectif » avec une préface de Pierre Fédida.

- « Permanence des traces du génocide de 1915 dans la mémoire arménienne. Rôle du politique dans leur inscription ou leur effacement ».

- « De l’élaboration d’un héritage traumatique »

- « Évènements traumatiques et transmission psychique. La Survivance. Traduire le trauma collectif ».

2 – Dans son œuvre Janine Altounian se réfère constamment à la psychanalyse. La démarche psychanalytique est fondamentale, essentielle même, dans l’élaboration théorique de son objet de recherche. Au-delà d’une référence, il faut souligner que Janine Altounian a aussi apporté des contributions originales, en retour, à la psychanalyse. Je cite à nouveau quelques titres qui parlent d’eux-mêmes :

  • « L’écriture de Freud. Traversée traumatique et traduction ».
  • « Du refoulement à l’œuvre dans toute traduction à la levée du refoulement dans un héritage traumatique ».
  • - « Violence et remémoration ».

Une des pistes explorées par Janine Altounian concerne spécifiquement le pouvoir de l’écriture dans l’élaboration du traumatisme.

  • « De la cure à l’écriture. L’élaboration d’un héritage traumatique ».
  • « Quand écrire, traduire l’expérience traumatique fait partie intégrante de son élaboration »
  • « Un cas clinique où le travail de l’écriture contribue à l’élaboration du traumatique ».

II - Les liens de Janine Altounian avec l’APF

Si J. Altounian a été élue membre d’honneur de l’APF, c’est aussi en raison des liens spécifiques qu’elle entretient avec notre association. Mais à la vérité il faut dire que J. Altounian a des liens de travail avec nombre de sociétés et de revues analytiques, à ce point qu’elle est sans doute une des personnalités les plus connues de tous les psychanalystes contemporains, en raison de sa participation active à beaucoup de colloques et congrès.

Je l’ai dit au début, Janine n’est pas seulement essayiste, elle est aussi traductrice et depuis 1970 elle a commencé à traduire des textes de Freud. Mais surtout elle a fait partie de l’équipe de traduction de l’œuvre complète de Freud aux PUF sous la direction de Jean Laplanche, du début à la fin de cette énorme entreprise.

Elle a été préfacée, je l’ai dit, par Fédida, elle a publié des articles dans de nombreuses revues, en particulier dans les « Libres cahiers pour la psychanalyse » et dans « l’Annuel de l’APF ».

Elle connaît beaucoup d’analystes de l’APF et a travaillé avec eux à de nombreuses reprises. Elle a aussi des relations avec la Fondation Jean Laplanche – Institut de France, et travaille actuellement sur le glossaire de l’œuvre complète de Freud en français, à partir des archives de François Robert, son compagnon de route, dans la traduction des œuvres complètes de Freud, qui est malheureusement décédé avant d’achever ce volume qui devait prolonger l’ouvrage que nous connaissons tous : « Traduire Freud ».

III – « L’intellectuelle »

Ce que je viens de rassembler ici pour donner une idée du rayonnement de Janine Altounian, ne suffit pas pour caractériser son opiniâtreté, son enthousiasme, sa force de travail. En effet, de Janine Altounian, je crois qu’on peut dire qu’elle est une « intellectuelle », au sens que ce terme recouvrait du temps de Clavel, Claude Mauriac, Sartre, c’est-à-dire une intellectuelle engagée moralement et politiquement. Janine a la volonté ferme de dire ce qu’elle pense avec franchise. J’entends par là la signification qu’a ce terme chez Etienne de La Boétie dans le « Discours de la servitude volontaire » ; à savoir :

  • la franchise au sens de liberté, au sens de « s’affranchir de la servitude »
  • et la franchise au sens de l’énonciation d’une parole authentique, qui dit vraiment et intégralement ce qu’elle pense.

Le courage de Janine Altounian s’inscrit, je crois, dans le refus de la servitude volontaire et cela va jusqu’à la volonté d’entrer en Résistance, quand elle juge que c’est nécessaire, contre la pensée dominante, contre l’oubli, contre la paresse de la pensée, contre l’acrasie qui mine nos contemporains.

Janine Altounian, par exemple, est membre fondatrice de l’Association internationale de recherche sur les crimes contre l’humanité et les génocides, c’est-à-dire qu’elle est une personne qui s’engage, jusque dans l’espace public.

C’est vrai, chère Janine, je profite de cette occasion pour vous dire que je n’ai pas seulement de l’estime et du respect pour votre œuvre. Je suis aussi admiratif de votre courage et de votre endurance à vous battre, inlassablement, pour honorer la vie.

 

 

 

                                                               

 

 

Débat: 
Cérémonie des 60 ans de l'AFP
Date: 
08/06/2024
Lieu: 
INJA - Institut National des Jeunes Aveugles - Boulevard des Invalides, Paris 7ème
Langue: 
français