Une clinique rigoureuse doit prendre suffisamment de recul pour saisir en quoi les pratiques et les concepts psychopathologiques qu'elle produit et utilise sont influencés par les discours politiques (à propos de l'immigration, des réfugiés, des « sans-papiers », de la précarité, etc.) et sanitaires (à propos de la manière dont est désormais définie la santé mentale et les critères de normativité qui redéfinissent la souffrance sociale et la souffrance psychique). Nous essaierons dans ce numéro de prendre ce nécessaire recul et de décrire les aspects de cette nouvelle clinique de la migration, de l'exil – qui est souvent aussi une clinique de l'exclusion – en tant qu'ils concernent aussi les discours et les attitudes des soignants, des décideurs, des administrations, des fonctionnaires et des institutions qui contribuent à forger les représentations contemporaines de l'étranger et à lui assigner la place qui est la sienne actuellement dans notre société. Cette clinique, c'est aussi celle des relations professionnelles entre les différents acteurs du champ de la migration ou de l'asile et elle fait place à la façon dont ces relations sont actuellement modifiées et rendues complexes et difficiles par les discours dominants contemporains.
Texte de Janine Altounian
Mon propos est de montrer que lorsque les catastrophes de l’histoire entraînent ruptures territoriales et culturelles dans la transmission transgénérationelle, ce sont presque toujours les grand parents, s’ils survivent, qui, porteurs de tendresses meurtries et de cultures englouties, sont, souvent à leur insu, détenteurs également de vérités politiques subversives. Ils deviennent en cela des ancêtres qui, paradoxalement, « libidinalisent » leurs descendants en leur insufflant jeunesse, esprit de rébellion et conscience politique.