Ce dictionnaire répond à une triple volonté : il entend d’abord établir le bilan de plusieurs décennies de réflexion théorique, plus de quarante ans après la parution du Pacte autobiographique (1975) de Philippe Lejeune. Il vise ensuite à cartographier un champ de recherches dont l’extension est souvent mal comprise : l’autobiographie au sens strict, mais également, et plus globalement, les écritures de soi. À un moment où la médiatisation de l’autofiction brouille les frontières entre fiction et non-fiction, il semble important de décrire les spécificités du champ non fictionnel et de se demander si l’écriture autobiographique est un modèle d’écriture identifiable à quelques traits précis ou un registre qui transcende les frontières génériques. Enfin, ce dictionnaire souhaite féconder un nouvel élan théorique. Il dépasse une vulgate promue par l’institution scolaire et universitaire, constituée en canon, ne se limite pas aux seuls corpus consacrés mais s’intéresse également à des auteurs méconnus, voire aux écritures ordinaires. Derrière le succès de l’autobiographie se cache une diversité de pratiques et de genres ayant en commun l’écriture à la première personne, qui connaissent des fortunes variables mais ne cessent de se nourrir réciproquement : Mémoires, souvenirs, témoignages, journaux personnels, correspondances intimes, chroniques… Il s’agit de désenclaver l’autobiographie en la réinscrivant dans une large continuité historique et au sein de l’espace francophone ; les écritures de soi, souvent réduites à leur seule prétention à calquer le monde, sont aussi des supports essentiels au renouvellement de la création littéraire.
« Un analysant écrit à son analyste. Lettres, messages, poèmes, récits de rêves ou de souvenirs, aveux d’un désir, ou d’une douleur, qui ne se dit pas. Ces écrits en marge des séances occupent une place à part dans l’analyse ou la psychothérapie, comme si le désir inconscient et ses tourments trouvaient là à se loger. Dans le mouvement même de son écriture, le sujet rejoint la part cachée de son être, celle qu’il ne livre pas en séance. Il se souvient de lui-même en quelque sorte, pour et avec un autre qu’il retrouve dans l’imaginaire. Nous ne sommes plus seulement dans “ l’échange de mots ” (Freud) au sens strict, mais dans la correspondance. S’agit-il d’une écriture analysante ? D’une échappée hors du cadre analytique ? A-t-on affaire à un récit de soi qui trouve sur le divan sa raison d’être ? Et comment les psychanalystes accueillent-ils les écrits de leurs patients ? La réflexion proposée ici ne porte pas tant sur des écrits publiés que sur ceux qui croisent la parole en séance. Pour certains, l’écriture a précédé leur entrée en analyse et a rendu possible une ouverture à la parole analytique et à ses soubassements inconscients. Pour d’autres, déjà en analyse, elle est apparue comme une issue créatrice constituant symboliquement une “ chambre à soi ” (Virginia Woolf) pour y déposer les sédiments de sa parole. Le divan, réel ou imaginaire, constitue dès lors ce lieu où la lettre se compose, rejoint d’autres lettres, des inscriptions et récits d’autrefois en quête de quelque destinataire invisible. » (Louise Grenier)
What is the epistemological value of testimony? What role does language, images, and memory play in its construction? What is the relationship between the person who attests and those who listen? Is bearing witness a concept that is exclusively based in interpersonal relations? Or are there other modes of communicating or mediating to constitute a constellation of testimony?
Testimony/Bearing Witnessestablishes a dialogue between the different approaches to testimony in epistemology, historiography, law, art, media studies and psychiatry. With examples including the Holocaust, the Khmer Rouge and the Armenian genocide the volume discusses the chances and limits of communicating epistemological and ethical, philosophical and cultural-historical, past and present perspectives on the phenomenon and concept of bearing witness.
Quelle est la valeur épistémologique du témoignage? Quel rôle joue le langage, les images et la mémoire dans sa construction? Quelle est la relation entre la personne qui atteste et ceux qui écoutent? Est-ce que le témoin est un concept qui repose exclusivement sur des relations interpersonnelles? Ou bien existe-t-il d'autres modes de communication ou de médiation pour constituer une constellation de témoignages?
Testimony / Bearing Witness établit un dialogue entre les différentes approches du témoignage en épistémologie, historiographie, droit, art, études médiatiques et psychiatrie. avec des exemples tels que l'holocauste, les Khmers rouges et le génocide arménien, le volume discute des chances et des limites de la communication des perspectives épistémologiques et éthiques, philosophiques et culturelles historiques, passées et présentes sur le phénomène et la notion de témoignage.
L’extermination des Arméniens constitue le premier génocide du XXe siècle. Si, dans le dernier tiers du XIXe siècle, les tueries à rencontre des populations arméniennes sont nombreuses et terribles dans l’État ottoman, en 1915 il s’agit bien de l’éradication d’une communauté humaine millénaire du plateau d’Anatolie par une autorité étatique agissant au nom d’un projet idéologique global stigmatisant un groupe défini de façon religieuse et ethnique et détruit comme tel. Aujourd’hui encore pourtant ce génocide pose des questions de droit (droit pénal international, droits fondamentaux, science criminelle) et de mémoire (question de la reconnaissance, commémorations, monumentalité du souvenir, lois mémorielles). Ce sont ces deux axes qui ont été retenus par l’Institut international de recherche sur la conflictualité (liRCO), spécialisé dans la gestion des situations conflictuelles et post conflictuelles, lors des rencontres internationales qui se sont tenues à l’Université de Limoges pour le Centenaire. Cet ouvrage en est le résultat ; il réunit des approches diverses – juristes universitaires, historiens, avocat, essayiste – propres à revenir autrement sur un dossier empreint de souffrances, de querelles, d’enjeux politiques et diplomatiques qui l’empêchent de se refermer.
Écritures de soi, Écritures du corps
Chiantaretto Jean-François (dir.), Matha Catherine, Altounian Janine (Postface)
Parution aux éditions Hermann le 24 août 2016 Colloque de Cerisy du 22 au 29 juillet 2015
Enjeu dans le développement de l’enfant, dans certaines expériences adolescentes, dans le rapport à l’autre, on la retrouve aussi dans les étapes d’une civilisation, dans les rituels structurant la vie d’une société et des sociétés ensemble (le sacrifice, la guerre…) ou encore dans l’art, dans la littérature. La place que lui font une époque, une pensée, peut caractériser un état de civilisation et de culture – ou de barbarie.
Omniprésente dans le monde contemporain, elle se manifeste dans la vie politique, dans l’espace du travail, scolaire, médiatique, virtuel, mais aussi dans l’univers familial. C’est pourquoi, dans cet ouvrage, la cruauté n’est pas pensée comme une abstraction métaphysique ou sociologique, mais comme une réalité psychique, affectant des sujets (individus et groupes) bien réels. Banalité du mal, pulsion de mort, emprise, destructivité, sadisme… Plus de 40 intellectuels (historiens, philosophes, psychiatres, psychanalystes, sociologues…) s’attachent ensemble à aborder notre époque en considérant la cruauté comme une notion psychopathologique, comme un indice culturel et comme un symptôme du « Malaise dans la civilisation ».
Violences au travail, violences familiales, sociétales et politiques… Les violences par la terreur sont aujourd’hui au cœur de l’actualité. Elles sont génératrices de traumatismes psychiques, pour les sujets qui y sont directement mais aussi indirectement exposés. Et dans la clinique particulière des traumatismes psychiques se trouve au devant une perte du sentiment de continuité de l’existence, une rupture du lien social, du lien à l’autre.
De telles questions ouvrent sur l’importance du lien social dans son aspect thérapeutique, et sur celle d’une éthique dans la pratique du clinicien, éthique qui se doit de rester à l’écoute de chaque sujet en particulier.
Résumé
Une réflexion collective sur les enjeux cliniques et politiques du transmettre en psychiatrie.
La haine de la psychanalyse et de la psychothérapie institutionnelle, la haine de l’inconscient font rage et engendrent des campagnes qui affolent l’opinion par le biais de calomnies qui tournent sur Internet et dans de nombreux médias. Le récent plan Autisme en est un symptôme politique accablant. Comment en sommes-nous arrivés là ? L’association La Criée reprend à bras le corps un de ses motifs fondateurs dans un mouvement de mise au travail du Collectif.Des cultures, des civilisations ont pu disparaître sous nos yeux au profit d’une homogénéisation. Rien ne nous dit qu’il n’en sera pas de même pour nos pratiques, marquées par la psychothérapie institutionnelle et la psychanalyse, si nous n’avons pas le souci de les transmettre.
Transmettre suppose un processus dialectique de dessaisissement chez les uns et de réappropriation/réinvention chez les autres. Encore faut-il aussi qu’il n’y ait pas empêchement, voire interdiction d’une telle transmission, en contradiction flagrante avec l’entreprise de formatage actuelle qui prône une non-pensée. VOIR Colloque éponyme organisé à Reims en mai 2014.