Janine Altounian : survivre au génocide, traduire le traumatisme
Comment peut-on donc être Arménien de la diaspora, subir l’affront de porter en soi une patrie “chimérique”, comment vivre rescapé d’un génocide, qui bien réel celui-là, n’est pas pris en compte dans les décisions des instances internationales... ? Quel est le statut de celui qui se retrouve “anormalement” survivant, dans une société qui l’avait programmé mort ? Comment peut-on encore vivre, avec quelles structures profondes, quels rapports au plaisir de vivre et à la mort lorsque l’on doit sa naissance à la gratuité du hasard.
Être descendant de survivants d’un génocide non reconnu par ses auteurs, c’est se situer d’emblée dans un rapport particulier au langage. Il ne s’agit pas là seulement de témoignage, mais d’identité. À notre époque où les exterminations prolifèrent, toutes les langues et les cultures majoritaires de l’Occident sont ainsi contraintes de recueillir en leur sein les vestiges de civilisations effondrées à leur insu ou en leur nom. Le travail d’élaboration et d’écriture que doit effectuer un descendant de survivants cherche à inscrire, dans l’Histoire du monde, ceux qui ont été effacés de leur propre histoire.
Bibliothèque municipale de Lyon